Goret, Bitch, Pamps, Little et Carla suspendent les feuilles de tabac

Lorsque nous arrivons dans les serres, la mère du propriétaire nous accueille. Elle refuse d’être filmée. Elle a peut-être 70 ans. Dernière rescapée de l’entraide familiale chez les paysans, elle prête main forte pour suspendre les feuilles. Elle donne les ordres, gantée et emmitouflée dans une blouse à manches longues. Goret, torse nu, lui demande si elle n’a pas trop chaud. « Comme tout le monde ! » répond-elle sèchement. La peau gratte. Goret dit que comme ça, il sait pourquoi il n’aime pas travailler.

Les serres chauffent comme des fours. On y étouffe. Little et Pamps ouvrent les stores des côtés contre l’avis de la patronne. Nous filmons les gestes mécaniques des quatre garçons qui sortent les feuilles de tabac hors de la remorque, y plantent des clous, pour ensuite les accrocher sur les portants en métal. Goret a un tatouage dans le dos où on lit en larges lettres « Baltringue ». Référence aux gens du cirque qui montaient les chapiteaux et servaient d’hommes à tout faire.

Bitch et Goret font une pause

Bitch, Little et Pamps travaillent vite. Le tabac qui vient d’être coupé est acheminé en tracteur par Georges, qui habite à Villeneuve-sur-Lot avec sa famille. Immigré portugais, il travaille à l’année dans les champs des environs. Il nous explique que les tâches agricoles sont mieux payées en France que dans son pays.

 Georges achemine les feuilles de tabac dans la serre

Vers 19h, les garçons décapsulent quelques bières et quittent la serre pour rejoindre Manu, qui s’occupe de la récolte des feuilles dans un champ un peu plus loin. Little cueille quelques fleurs et s’asseoit sur une remorque. C’est la fin de la journée.

Little : “C’est le meilleur moment de la journée”

Le soir, autour de la table en plastique blanc des Pons, Goret et Manu discutent en prenant l’apéro :

Manu : Vous avez fait quoi aujourd’hui ?

Goret : On a fini une serre et on en a attaqué une au fond…

Manu : Les autres sont plus petites…

Goret regarde un paquet de tabac à rouler de la marque pour laquelle il travaille.

Goret : C’est marqué qu’il y a deux sortes, et récoltées avec soin ! En fait, paye tes mecs dans les bureaux qui étudient ça ! “1737”, c’est la date où ils ont soi-disant commencé.

Goret lit la notice du tabac qu’ils récoltent.

Manu : 1737, c’est les doses de goudron…

Pamps joue avec son chien qui aboie.

Goret : À force d’être dans le sud, ton chien aboie avec l’accent.

Goret : Le paysan, il sait rien à ce qu’il produit !

Manu : T’imagines combien ça fait en paquets sa serre ?

Goret : On le récolte, on l’accroche et on le fume !!! Il y a une arnaque, là…

Goret regarde le chien de Pamps qui dort par terre.

Goret : Ça, c’est un chien qui a mangé un épis de mais, il est en train de mourir… L’agriculture française c’est que des baltringues, en même temps c’était ça ou l’usine… Il y a un truc que j’ai pas compris avec les prunes, c’est qu’on les fait cuire et après on les réhydrate pour qu’elles redeviennent grosses.

Manu : C’est pour les vendre plus cher !

Goret : Super !


Bitch dans la serre de tabac