1219. Un évêque s’insurge contre une jeunesse qu’il ne comprend pas…

Tout te manque : champ, cheval, maison, nourriture, argent, vêtement. L’année s’écoule. Tu es ennemi et tyran.
Tu es paresseux et lent. Le vent froid et violent te tourmente. Ta jeunesse heureuse s’est évanouie. Corps découvert, tu couches souvent sans toit sur un lit de terre ; et on entend résonner ton ventre vide. Je passe sous silence tes crimes cachés, tant de corps que d’âme.
Ni ville, ni campagne ne t’abritent, ni un hêtre dans son creux, ni rivage, ni mer. Vagabond, tu erres par le monde.
Tu fuis les baisers maternels comme la discipline paternelle. Tu sacrifies les biens éternels aux biens éphémères ; vil et méprisé, repoussé de père et de mère, nu et sale, tu plonges entier dans l’ordure. Comme un mendiant, bon à rien, tu vagabondes sur terre et sur mer.
Ta pensée folle s’élance de tout cotés sans gouvernail. Tu ne t’appliques qu’aux choses grossières… la raison enfouie. Apostat ! tu méprises les saintes doctrines, les paroles des anciens ; tu a gaspillé les dons divins, perdu le parfum des bonnes mœurs.
Pourquoi fais-tu des éloges et trompes-tu par tes chants, ferme ta bouche et cesse de te plaire à flatter.
Ta louange n’est qu’une mauvaise fraude. Refuse de louer les misérables. Tais-toi. Que ta muse ne nuise plus à personne.

Raymond de ROCOSEL (évêque de Lodève), Invectio contro goliardos.