A. : L’une des questions centrales du projet de Gabrielle est la « marginalité » : le marginal comme symptôme et comme composant critique de sa société. Pourtant certaines valeurs avancées lors des interviews restent assez traditionnelles : la propriété (du camion), le couple ou l’espace communautaire, le travail. La marginalité passe surtout par deux notions complémentaires : une rhétorique de la « liberté » et le mythe de la « route », que subsume en gros la notion de « nomadisme ». C’est la véritable question du film, d’où le titre. D’où l’importance du billet de Maya, composé d’extraits de Michel Onfray. Comment aborder la question du nomadisme : est-ce un simple contre-modèle (qui s’opposerait au vécu parental et à l’expérience sédentaire familiale) ou bien une structure imaginaire, éventuellement idéalisée, particulièrement magnétique ?

Définition : Temps long contre histoire courte

T. : Le texte d’Onfray s’inspire largement de Mille plateaux, où tout est plus compliqué et moins dialectique. Il y a notamment ces deux chapitres, à la fin (« micropolitique et segmentarité » et « nomadologie »), qui décrivent, plutôt que des archétypes comme chez Onfray, des tendances : il y a une tendance au nomadisme chez le sédentaire et une tendance à la sédentarisation chez le nomade. Il n’y a pas l’un sans l’autre et les deux changent de place en permanence. Tout de suite, ça fait éclater l’attribution dualiste « t’appartiens aux bons / t’es chez les méchants ». Une des questions qu’on pourrait se poser, c’est à partir de quand émerge cette forme particulière de nomadisme. On peut penser à la Beat generation.

PO. : Tout dépend de la définition qu’on donne à ce groupe-là. Mais des vagabonds, il y en a au XVIe siècle, etc.

T. : On parle de la forme bien précise du punk à chien, du routard contemporain, dont on voit mal comment elle pourrait exister avant qu’il y ait des punks !

PO. : J’aurais tendance à prendre une définition assez large du phénomène, pour mieux la mettre en relation avec d’autres formes historiques. Je pense notamment à ce manuel du vagabond au XVe siècle (Il Libro dei vagabondi) qui décrit un mode de vie assez proche de celui-ci.

T. : On gagne sans doute à mener les deux démarches de front, une vision très large comme tu fais et une autre, très courte, d’histoire contemporaine.

PO. : Pour l’histoire très courte, comme on se disait avec Gabrielle, il y a une version « bohème », artistique (Whitman, Rimbaud), assez proche notamment par la dimension critique. Il n’y a pas que la « liberté » et la « route », la dimension critique vis-à-vis de la société participe aussi de la définition.

T. : Pour moi, c’est encore trop large. On pourrait prendre des photos de gens des années 1970 et d’autres de gens des années 1990 ou 2000 et conclure que c’est le même mouvement. C’est la même forme, les mêmes habits, les mêmes chiens.

PO. : Les « romantiques » ne rentreraient pas là-dedans, ils n’en constituent qu’une préhistoire artistique. Les plus lointain ancêtres de la forme contemporaine pourraient être les Hobos, aux Etats-Unis, dans les années 1930, qui voyagent accrochés aux trains, à la fois travailleurs migrants et marginaux, dont Kerouac et toute la Beat generation s’inspirent directement. Pour ces derniers, s’accrocher aux trains, etc., c’est déjà un geste mythique, une manière de retrouver ce que faisait la génération d’avant. Ce qui rapproche ce milieu de nos routards, c’est sans doute le rapport au travail, marqué par les besoins saisonniers.

T. : Je pense que si on veut sortir du discours à la Onfray, du type « ça a toujours existé », il faut vraiment isoler la forme précise que Gabrielle veut filmer et la distinguer de tout ce qui ressemblerait vaguement. Quels sont les paramètres de cette forme ? Les chiens, le fait de travailler de manière saisonnière, un certain type d’habillement – en plus du mode de vie nomade, qui lui-même peut être catégorisé.

vagabonds vs nomades

Free-Party de Santafe, Espagne, Mars 2009

Y. : Il y a un glissement : avant le titre du site / film était « nomad’s land », puis c’est devenu « vagabonds », avant de revenir à « nomad’s land ». Ça mérite réflexion. Le terme « nomade » fait référence à un peuple, à une culture dans son ensemble, avec ses jours de rassemblement, un système politique, une langue distincte, très souvent aussi une saisonnalité, des rituels, etc. Du coup, la distinction avec « vagabond » est intéressante puisque que « vagabond », renvoie plutôt à une marginalité au sein d’une culture, et ne se réfère pas à une culture en soi. Je trouvais le terme vagabond plus proche de ce que décrit Gabrielle.

PO. : Moi aussi, c’est vrai.

A. : Je dirais le contraire.

T. : La question revient alors à se demander si le mode de vie des punks à chiens constitue une culture propre, qui serait assez partagée et cohérente ?

A. : C’est ce qu’on a fait jusque-là : lister les caractères d’un groupe qui rassemble tout de même 50.000 personnes.

T. : Il y a au moins une identité visuelle basée sur un appareillage vestimentaire, une façon de parler, une musique, etc. qui fait qu’on peut reconnaître un groupe punks à chiens à Paris, Istanbul, n’importe où.

PO. : Pour aller dans le sens de Yoann, je ne sais pas si l’on peut parler de « société », au sens où il y aurait des « bébés punks à chiens », des « vieillards punks à chiens », des « institutions punks à chiens », etc. Cela me semble plus une démarche à laquelle on peut adhérer pendant une période de sa vie, qui a certes ses codes partagés. C’est donc différent d’un peuple nomade. Je préfère aussi « vagabond » parce que la pertinence du punk à chiens n’est vivace que dans une société hyper-sédentaire et dans un rapport dialogique avec cette société. Les Touaregs ont une culture, une identité propre qui ne se définit pas uniquement par un « voisinage » sédentaire.

A. : On pourrait dire toutefois que, à partir d’une logique de contre-modèle, s’est construit quelque chose de plus positif, qui fait culture. D’ailleurs, dans « vagabond », il y a un aspect très individuel, solitaire, qui ne me paraît pas coller.

C. : Comment ils s’appellent entre eux ?

PO. : Notamment par le terme de « routards ». Mais il y quelque chose à faire sur tous les termes utilisés pour décrire ces gens-là. Parce que malgré tout, il n’y a pas de nom générique parfait pour décrire ce « groupe », cette identité collective. C’est comme pour le mouvement « autonome » : dès que tu essaies de mettre un nom dessus, de le ramener à quelque chose qui dépasse deux personnes, il y a scission, ils ne se reconnaissent plus dedans. Parmi les témoignages recueillis par Gabrielle, il y a sûrement des personnes qui écoutent des musiques différentes, qui seraient dégoutés de se retrouver mis sur le même plan. C’est évident qu’il y a des caractéristiques partagées, mais à mon avis ils font tout pour casser ça.

Y. : Ce problème de définition identitaire rejoint assez bien celui des gens chez qui j’étais au Brésil, les Caboclos. Pour les gens du sud du Brésil, des grandes villes telles que Sao Paolo ou Rio, les Caboclos ce sont « ceux qui habitent au Nord », c’est-à-dire plus de 50 millions de personnes. Pour les gens du Nord, les Caboclos sont « ceux qui vivent au bord des fleuves ». Et quand tu arrives au bord des fleuves, ce sont « ceux qui ont tel type de maison ». Donc en fait, les Caboclos n’existent pas ! Ou plutôt, le Cabocla, c’est celui qui est entre soi et l’Indien. On pourrait donc poser la question ainsi : s’il n’y a pas de terminologie pour les définir, ils sont entre quoi et quoi ?

Sociabilisation vs portée critique

Deux teufeurs avec leurs motos à SantaFe, Mars 2009

A. : Ce qui aurait tendance à me fasciner, c’est comment 50.000 jeunes, qui sont en rupture sociale ou parentale, se retrouvent dans ce modèle, archi-cohérent, même géographiquement : ils se retrouvent aux mêmes endroits ? Comment, alors qu’il y a un discours de la singularité, de la marginalité, de l’indépendance ou de la liberté, retombe-t-on rapidement dans quelque chose de sociabilisé, de codé ? Ce « repli-là » est fascinant, et c’est pour quoi la question de savoir comment une positivité s’est créée sur ce repli est importante. Il y a quelque chose de plus attractif, de plus magnétique, que simplement trouver un contre-modèle.

Y. : D’après ce que j’ai lu sur le site, ce n’est pas uniquement « contre » qu’ils se définissent. Du coup, ça répond drôlement au texte de Singh qu’on a reçu aux Editions Papiers, sur la « Frugalité » : il démontre une cohérence entre les trois auteurs évoqués – Thoreau, Gandhi, Nietzsche – par le fait qu’ils cherchent à mettre en pratique ce qu’ils pensent, qu’ils cherchent à faire concorder ce qu’ils pensent et leur mode de vie, leur théorie et leur pratique du quotidien. Finalement, j’ai l’impression que c’est aussi ce que cherchent les vagabonds, c’est-à-dire la cohérence, de mettre en pratique ce qu’ils pensent. Dans la société actuelle on pourrait dire qu’il y a une disjonction à ce niveau-là et que du coup, il y a un manque et un besoin de ce type de cohérence. Ce n’est pas forcément du contre-social.

T. : Pour toi, c’est même la société qui le permettrait ?

Y. : Ce sont les « cartes » de Levi-Strauss. Ta société te propose des « cartes » et tu joues avec. Ainsi, si l’hystérie ne fais pas partie de ta « donne » sociale, tu ne pourras pas développer cette pathologie. Et, de fait, l’hystérie n’est pas exprimée dans toutes les sociétés, loin de là. En gros tu peux devenir fou mais uniquement selon les modalités que te propose ta culture. Il y a peut-être une carte pour le vagabondage dans notre société, et pas dans une autre, pas de vagabonds chez les peuples nomades par exemple. En ce sens notre société produit aussi ses marges et ses modalités de transgression.

T. : Si on continuait cette interprétation, on pourrait dire : on a un peu vite l’impression qu’ils se re-sociabilisent immédiatement, mais en réalité ils n’auraient jamais quitté la société.

Y. : Ce n’est pas du contre-social, ils portent une parole qui est positive pour eux. Donc ils rentrent dans une historicité, quelque chose que notre culture porte et stimule et qui dans une certaine mesure – tout dépend peut être de cette mesure – va avec le social, et non contre. Il me semble que l’on retrouve en filigrane l’enjeu que nous avons esquissé tout à l’heure, qui consiste à distinguer nomades et vagabonds.

T. : Dans un certain sens, ça rejoint le discours sur la transgression : est-ce que ce ne sont pas des transgressions autorisées par la société ? Qui du coup ne remettent pas vraiment la société en cause ? Si on continue comme ça, ça casserait complètement le discours du texte « Les insoumis ».

A. : On pourrait dire qu’on a un doute sur la portée critique de ces comportements. L’une des choses qui me trouble le plus dans ce texte, c’est le paragraphe suivant : « Le film explorera ce double mouvement d’idéal libertaire et de confrontation brutale aux réalités : c’est bien souvent dans cette tension que s’opère le passage à l’âge adulte ». On se demandait s’il pouvait y avoir culture dans la mesure où ça ne correspond qu’à une époque de la vie, mais toujours est-il que Gabrielle est très consciente de cette question puisque ce qui l’intéresse, c’est filmer les jeunes entre 18 et 25 ans, avant l’âge du RMI. La borne temporelle, c’est celle-ci : dès qu’ils sont d’une certaine manière « rachetés » par la société, c’est terminé.

PO. : Certains continuent et parfois refusent le RMI ; ils cherchent à désamorcer la critique vulgaire : « Ce sont des glandeurs qui touchent le blé de l’état, sans rien foutre. »

A. : Ce qui est intéressant dans ce que tu dis, c’est qu’il y a une dialectique de la souffrance et de la liberté : leur statut est « critique », ou imaginairement critique, dans la mesure ou il y a « souffrance ». Soit vivre dans le froid, soit travail physique, etc. Dès l’instant que tu « triches », que tu as un RMI, tu ne peux plus avoir de portée symbolique. Ils ont une « valeur » en tant qu’ils sont souffrants. Pour eux et pour les autres.

T. : Moi j’ai quand même l’impression que le truc le plus intéressant, c’est au niveau existentiel. Peut-être que la portée critique est restreinte, mais c’est tout de même un gros engagement de quitter tout, de partir sur les routes, avec les chiens, en travaillant de manière aléatoire, etc. La majorité d’entre eux n’a pas forcément un discours théorique très élaboré – ils doivent d’abord le faire pour des raisons personnelles. C’est pour ça que d’exclure d’emblée le discours psychologique ou intime me paraît une erreur. La dimension plus sociologique, c’est le côté passage à l’âge adulte, visant à retrouver une forme de sociabilité, différente. Pour reprendre une expression d’Onfray, ce sont des radicalités existentielles, sur lesquelles on n’a pas à avoir de jugement moral. Il y a plus à questionner pourquoi, eux, ils ont besoin de ce choix radical, et pas de devenir des gothiques ou autre chose.

A. : Oui, pourquoi en marge des discours, assez structurés (ils constituent rapidement leurs référents, leurs argumentaires critiques, etc., tout ça apparaît vite), ce modèle représente une « évidence ». Pourquoi le nomadisme fait modèle ? Comme tu dis, il y a plein de parcours personnels, d’identification possibles… Pourquoi, comme structure imaginaire, c’est, parmi les modèles disponibles, l’un de ceux qui fonctionne – alors qu’il n’est pas le plus facile ? Et qui marche même pour les sédentaires.

PO. : Ça fait modèle immédiat parce que la « structure » existe. D’où l’intérêt de percevoir le phénomène dans la longue durée. Si c’est aussi étendu, c’est qu’il est partagé par l’ensemble de la société. Il existe une statut du nomade en occident, et qui est de nature critique. La mendicité en ce sens est capitale et s’inscrit dans une longue tradition ; financièrement, ils n’ont pas forcément besoin de ça, mais l’acte revient à demander, de manière matérielle, une forme de reconnaissance de la société. Quand tu donnes un peu de monnaie, tu payes pour leur existence dans la société. La dimension de visibilité est importante également : le fait de se mettre dans les rues, dans les lieux de passage, dans les centres-villes. Ils pourraient être invisibles, comme les vagabonds du Moyen-âge dans les forêts. Ce n’est pas du tout le cas ici. Il y a une mise en scène de cette altérité. Elle a une fonction sociale.

A. : Dans le texte, Gabrielle le dit bien : « Ils sont une présence au cœur de la vie sociale. » Quelque part, ils sont urbains. C’est tout de même curieux pour des nomades - est-ce vraiment du nomadisme ? Il faut la souffrance, il faut la mendicité pour que ça conserve une force de fascination. Mais toujours est-il que cette fascination est bien réelle. Ça fait partie du jeu social entre sédentaire et SDF, ils sont visibles, il y a échange. Tout le monde « joue » cet échange. En même temps, si c’était un contre-modèle, on ne serait pas sur ces bases-là, on serait sur de la détestation, de la haine – en tout cas pas cette sorte de fascination.

T. : Mais pour la majorité des gens, ce sont tout de même des groupes à éviter, à repousser, potentiellement dangereux.

PO. : Le terme qui est utilisé dans ce cas-là, c’est « marginaux ».

C. : En même temps, dans le texte, il y a ces propos des agriculteurs chez qui ils font ces travaux saisonniers, qui trouvent qu’ils travaillent très bien, bien éduqués.

PO. : Un aspect me semble important pour cerner l’intérêt que l’expérience suscite. Ce serait la dimension « réappropriation de soi », sensible dans certains entretiens. Quand tu arrêtes les études assez tôt, tu te retrouves à bosser à 16 ans, tu as le sentiment que ta vie t’échappe : le fait de pas avoir de jeunesse, à cause d’une origine modeste. Il n’y a pas ces années de flottement, qui sont des années « personnelles », entre 16 et 25 ans, où tu choisis ta vie. Ils travaillent tous à cet âge-là, à faire des petits boulots, jusqu’à la rupture, pour revivre une jeunesse qui leur appartienne.

Passage / Passeurs

Y. : Les nomades ont pour caractéristique de parler les langues des différents peuples qu’ils côtoient. Ils font le transport et permettent un transfert des objets, des techniques, des recettes de cuisine en même temps que des aliments. Ils sont très souvent des « passeurs culturels ». Je me demande dans quelle mesure les punks à chiens seraient des nomades dans ce sens-là ? Par ailleurs, donner la parole aux punks à chiens, comme le fait Gabrielle, nous permet d’entendre des discours auxquels on n’a pas accès en général. Il y a une « transgression » entre les « classes », les « milieux ».

PO. : C’est plus de la médiation que de la transgression. Elle le dit dans son texte : ils font la liaison entre différentes tranches de la société qui a priori ne se parlent pas (des clodos aux classes moyennes).

A. : Ça me questionnait ce paragraphe : je ne voyais pas immédiatement en quoi un punk à chiens ferait plus « liaison » qu’un autre individu. J’avais pas fais le lien avec le « nomadisme » : charrier, au sens propre, de la parole. A la fois postier et traducteur ! Ce sont des choses qu’on peut voir dans les films réalisés pour Tracks. Ils parlent avec « pire » qu’eux, il y a souvent un gars plus mal que l’autre. La parole est utile, agissante : ils s’expliquent, se justifient. Elle est fondamentale pour justifier la marginalité. Ils sont sans cesse en train d’en parler. Il y a des gros échanges sur « pourquoi on est là ».

Economie vs puissance

A. : On peut peut-être revenir sur la question de la frugalité. Pourquoi il y a un idéal de pauvreté ? Et pourquoi il y a là, pour un jeune du XXe siècle, un modèle intéressant, au moins pour un moment, pour une période de la vie ? Je demande ça parce que c’est quelque chose qui me parle…

C. : Sans le nomadisme !

A. : Pourquoi pas, pourquoi pas ! Je ne me ferais pas punks à chiens, mais je me ferais SDF. C’est une pulsion forte : l’économie maximum. Qui, paradoxalement, est aussi un délire de voyageur. Dans le voyage, tu pars avec moins d’affaires, et puis quand tu es sur place tu essaies d’en perdre le plus possible, ou de n’emporter que l’indispensable, de faire « à l’économie », et puis de partir encore plus loin, en emportant de moins en moins. C’est une pulsion très forte, mais je ne me l’explique pas. Pour signifier quoi ? Je ne crois pas du tout à la dimension « contre modèle à la société de consommation ». Quête existentielle, parce que dans la privation quelque chose se réveille ? Ça me paraîtrait infiniment moral comme point de vue.

PO. : Je pense qu’il y a les deux. S’il fallait faire une généalogie, il faudrait mettre d’un côté les « ermites » et de l’autre les « cyniques ». Il y a une dimension morale ancrée dans l’érémitisme chrétien (pauvreté, travail, souffrance – qu’il y a chez certains punks à chiens), qui d’ailleurs est partagée par la société. L’autre dimension, cynique, morale dans un autre sens, n’est pas du tout une logique de souffrance mais plutôt de puissance : plutôt que d’augmenter ses moyens à la hauteur de ses besoins – logique capitaliste et inflationniste, la satisfaction des besoins en entraînant de nouveaux –, il s’agit ici de réduire tes besoins à la base. Alors, tu as besoin de très peu de moyens. Tu es donc très fort car tu n’as rien à perdre. Cette prise de position les rend forts – ils le disent tous. C’est le discours cynique : tu peux me cracher dessus, me dire que je ne suis rien, c’est de toute façon ce que j’affirme ! Tu ne peux rien me piquer, je n’ai rien ! C’est un rapport de surpuissance.

T. : Ça signifierait qu’ils ont une inquiétude, avant d’arriver dans cet état.

PO. : Il y aurait l’inquiétude liée au modèle dominant : ils voient leurs parents qui ont achetés plein de trucs mais ne s’en sortent pas pour autant.

T. : Une inquiétude liée à la paupérisation des classes moyennes ? Ce serait la crainte que, malgré un comportement conforme (faire ce qu’on m’a dit de faire), la vie n’est pas pour autant bonne ou facile. Il y aurait un discours du type : autant ne manger qu’une fois par semaine, pour habituer mon corps, là je serai sûr de toujours manger à ma nécessité ? D’un certain point de vue, c’est un discours du faible. De celui qui, à la base est inquiet, n’est pas sûr de lui, et qui pour le devenir à besoin de diminuer sa puissance de départ, ses besoins.

PO. : Mais ça marche !

Corps

Chris le hobbo, dans les sources d’eau chaude de Saint-Thomas

Y. : Gabrielle explique que les paysans apprécient beaucoup la main d’œuvre punk à chiens. Pour les paysans qui les embauchent ils sont « bien éduqués et travailleurs ». Ils sont donc « pertinents » dans le cadre d’investissements corporels, de travail physique. Ça questionne leur rapport au corps. Pour moi, ça fait écho aux scarifications, etc., évoquées plusieurs fois sur le site, à coups de cigarettes ou de tessons de bouteilles. Peut-être y a t-il ici l’expression d’une nécessité de faire exister ce corps-là ? D’être du côté du labeur, du physique, de sentir et d’éprouver la présence corporelle ? Il y a un rapport particulier au corps, qu’il faudrait peut-être creuser ?

PO. : Sur le rapport au corps, c’est vraiment le truc sur lequel je m’étais complètement planté : je le voyais vraiment dans une logique de mortification, d’inspiration chrétienne. Dans des discussions, je me suis aperçu que pour eux c’est un phénomène érotique, de l’ordre de l’ornement. Très éloigné de l’idée de se faire mal pour faire mal.

Y. : C’est un plaisir de renouer avec cette existence corporelle, de la faire exister.

A. : Ce serait une façon de justifier cette expérience nomade qui serait une expérience physique. Là encore une manière de passage à l’âge adulte.

Y. : Je l’avais évoqué dans un texte consacré à Roger Caillois. La majeure partie des rituels consiste en une souffrance physique, une catastrophe pour l’individu (perte de conscience, douleur, etc) – on génère une expérience de l’ordre de la catastrophe, de l’extrême et, ce faisant, ce n’est qu’une hypothèse, on est éduqué à l’extrême, à rester humain dans la catastrophe.

A. : Étrangement, ça m’évoque les images de chiens que l’équipe a tourné. Sur des rushes, tu vois un chien en train de gratter le sol, une flaque boueuse. Il y a la présence incroyable de la bête, trapue, musculeuse. J’y vois un reflet, une sorte de métaphore de cette présence physique dont tu parles. Autant dans les discours, l’éloge de la force, du travail physique, est tellement moralisée que s’en est fatigant, autant les bêtes « incarnent » cette expérience plus subtilement. Du coup, à côté de toutes les raisons « objectives » d’avoir des bêtes, il y a peut-être aussi en jeu une forme de symbolisation - à travers le chien - de leur propre existence. Une sorte de réflexion (au sens de « reflet »).

V. : De manière large, on n’a pas le sentiment que c’est une recherche de la souffrance. C’est plutôt la recherche d’un plaisir, d’une vie différente. Quand on décide d’acheter un camion, on essaye d’avoir un camion confortable, qui ne va pas planter tous les dix kilomètres.

A. : De fait, ça ne se passe pas comme ça. Même avec un camion équipé, c’est difficile comme existence. On a l’impression que ça n’est jamais un choix confortable. Il y a une radicalité du choix qui relativise la thèse du plaisir.

Voyage vs nomadisme

Une après-midi à Santafe, Mars 2009

C. : Il faut dire tout de même qu’un certain nombre, en hiver, quittent les camions, certains reviennent chez leurs parents. Ç’est frappant, les parents les accueillent, ils ne sont pas tant en rupture que ça avec leur milieu d’origine. Mais, au bout d’un moment, avec la clémence du temps, certains disent péter les plombs. « J’en peux plus de cet appart. Vivement que je reprenne la route. » Il y a une sorte de dépendance à l’« espace ». Voir l’angoisse de Milou de se retrouver confinée dans un appartement à Paris et que l’on retrouve dans la rue Bastille, fuyant les intérieurs pour le « grand air ».

A. : Il y a un blanc, tout de même : c’est la question des kilomètres. Il sont nomades, ils ont leur camion, mais on ne sait pas où ils vont, sinon faire des travaux saisonniers. Dans le chapeau du site, le petit texte de présentation, il y a marqué « en France » par exemple. Les témoignages évoquent la Hollande, l’Espagne, la Roumanie, l’extrémité étant l’Inde – ce qui est déjà plus sérieux. Ce que tu dis sur Bastille est intéressant : on a l’impression qu’« être dehors » suffit. Est-ce que cette attraction pour le grand air suffit à faire le nomade ?

PO. : Les nomades suivent des trajets précis, possèdent des aires de déplacements – ils ne font pas le tour du monde. Les Touaregs ne vont pas faire le trip en Inde. Les punks à chiens parcourent pas mal de kilomètres. Milou fait 15.000 bornes en un an, c’est pas mal. En France. Comme les nomades se déplacent dans un périmètre qu’ils connaissent. Ce ne sont pas des voyageurs et pour cause : il s’agit de faire du voyage un quotidien.

Y. : On ne définit pas le nomadisme par rapport au mouvement. Ainsi au sein d’un peuple nomade, une partie seulement des membres peut être en mouvement. C’est le cas chez les Touaregs par exemple. C’est très rares que les femmes participent aux caravanes. Ce sont les hommes qui sont en mouvement. Et pourtant, à mon sens, ces femmes aussi sont nomades, elles ont le bagage culturel du nomadisme, celui par exemple qui consiste à savoir vivre avec un homme et des fils qui partent pour de longues périodes. Par contre, ils vivent avec une espèce issue de la plus ancienne des domestications (les chiens). Chez les nomades, ce serait plutôt l’apprivoisement et l’élevage que la domestication. On peut distinguer les rapports aux animaux par degré de maîtrise, depuis la domestication où l’espèce est rendue dépendante de l’homme (pensons aux poules, aux cochons), jusqu’à l’apprivoisement où l’animal est en totale indépendance mais s’est habitué à votre présence et ne vous craint plus. Entre les deux il y a la familiarisation où l’animal vit « à la maison », mais n’est pas pour autant rendu nécessairement dépendant (pensons aux chats) mais qui peut aussi générer une modification de l’espèce qui la rend non viable en dehors de ce contexte socio-culturel (pensons aux chihuahas). Et il y a aussi l’élevage, où l’espèce peut redevenir indépendante de l’espèce humaine, et où il s’agit de réactiver à chaque génération animale une éducation, un dressage (pensons à la relation des Tsaatanes du nord de la Mongolie avec les rennes par exemple).

A. : Ce qui est curieux, que je découvre avec le travail de Gabrielle, c’est que ce sont des gens qui vivent à la campagne, dans des zones intermédiaires. Ce n’est pas l’urbanité criante. C’est ça que je ne comprends pas. Pour moi, c’était très lié à la techno, et c’était une forme de l’urbanité contemporaine – mais justement cet a priori est faux. Toujours est-il qu’à Paris, tu n’en vois pas beaucoup. Est-ce que c’est un effet de génération ou est-ce que ça a toujours été comme ça ?

PO. : Est-ce que ce n’est pas Gabrielle qui va les chercher à la campagne, aussi ?

Liberté

Deux enfants de travellers jouant devant un camion au Dragon festival, Mars 2009

PO. : Ce qui est particulièrement naïf dans le texte d’Onfray, c’est d’imaginer que les nomades n’ont pas de normes, d’interdits, qu’ils ne sont pas guerriers, etc. Il n’y a pas plus guerriers que les Touaregs, qui partent en razzia en Mauritanie… De même, leur mode de vie est extrêmement codifié (que l’on pense à l’exemple de l’orientation de la tente et la répartition en zone d’ombres et de soleils qu’elle suscite).

A. : C’est marrant que cette idée-là du nomadisme soit aussi vivace. Tout le monde vit un système de valeur sédentaire, orienté vers la propriété, mais il y a ce contrepoint qui perdure, très positivement connoté (« je suis libre »). Alors que ce sont essentiellement des constructions imaginaires, fantasmatiques : il n’est pas évident que vivre dans la rue serait « plus libre » qu’avoir une maison.

V. : tu es bien obligé de reconnaître qu’ils le ressentent très fort. C’est une affaire de ressenti.

T. : La question, effectivement, c’est pourquoi ils se sentent enfermés et qu’ils éprouvent le besoin de partir ?

V. : C’est un rapport au champ des possibles. C’est peut-être une expérience qu’il faut mener un moment avant de comprendre qu’elle t’enferme dans autre chose. Et d’en changer. Il y a un sentiment de précarité qui doit à la longue peser.

A. : La liberté est le fond du problème, mais elle se définit toujours contre, comme s’il n’y avait pas de positivité dans la liberté : c’est lâcher tout, partir. Le problème est que, une fois parti, tu retombes dans un autre champ de contraintes. La liberté, ça n’existe pas en soi ou sinon comme pur écran, projection critique. Il n’y a pas d’espace de la liberté.

Y. : J’ai une anecdote. M. Jaouen prenait en charge des toxicos délinquants. Il se disait que ces gens considéraient toujours la limite (une loi par exemple) comme une contrainte, et il se demandait dans quel cadre il pouvait leur faire vivre une situation où une limite, une frontière, serait associée à une idée de liberté. Je dis bien « leur faire vivre », ce n’est pas un cours magistral, ce n’est pas une démonstration logique, c’est une expérience vécue. C’est là qu’il a eu l’idée de les emmener en mer : sur un bateau, tu es enfermé comme dans une prison, tu ne peux pas sortir, et pourtant, tu vis là des moments de liberté incroyable. Des choses que tu ne ressens jamais à terre. Un sentiment de liberté incroyable. Et ça marche.

A. : Pour garder ton exemple du bateau, ou celui de Milou à Bastille, c’est encore une question d’expérience physique. Ce qu’il y a derrière cette liberté, c’est le « grand espace », ce qui est une autre structure imaginaire.

V. : Il n’y a d’expérience que physique, de toutes façons !

A. : Tu peux avoir des expériences intellectuelles, abstraites. Mais, ce qui m’intéresserait plutôt, ce serait de savoir comment une structure imaginaire, une construction culturelle, a des implications physiques et comment elle en sort vivifiée, modifiée.

Représentations

Un punk à chien en pleine parodie de lui même, Dragon festival, Andalousie, Mars 2009

V. : J’ai regardé les photos de Gabrielle, c’est frappant : ce sont de super dandys, de super clients pour faire des images !

A. : Faut dire que Gabrielle est douée aussi… Mais peut-être veux-tu dire que les images sont fortes parce que les sujets le sont particulièrement eux-mêmes ? Je trouve assez extraordinaire la photo de la fille avec les trois chiens. Cette sorte d’hydre

PO. : En plus, cette fille est dans son bled ! Il y a quinze habitants, et une punkette au milieu ! Pour cette histoire d’image, le parcours de Milou, qui veut devenir comédienne, m’a marqué. Si l’on accepte l’idée que pour les routards c’est le mode de vie plus que les discours qui véhicule le message le plus important, alors la mise en scène de soi et de son apparence prend une importance capitale. Pour certain, je dirais qu’ils le mettent en scène de manière assez professionnelle !

A. : Ces images sont fascinantes : comme disait Vincent, ils sont ultra-conscients de leur image. Il faudrait demander à Gabrielle la manière dont elle organise la prise de vues. Il y a des images sur lesquelles on pourrait middracher un bon moment…

V. : Ils sont très conscients de l’imaginaire qui gravite autour d’eux. Sur n’importe quel festival de rock, tu vois bien qu’ils incarnent un truc. Ils font peur aux gens quand ils arrivent en ville. Ma grand-mère les appelle les « tire-laine ». Et ils le savent très bien, ils ont plaisir à faire peur aux bourgeois. Ils entretiennent cet imaginaire. Il suffit de voir comment les mairies se démènent pour qu’ils se cassent. Je trouve ça magnifique : de toutes façons, ils sont nomades, donc ils vont partir. Alors je ne sais pas, c’est peut-être la volonté qu’ils partent le plus vite possible… Il y a des mairies qui leur paient des billets de train !

A. : Comme le gouvernement pour les sans-papiers…

V. : Dans l’imaginaire du bon gros sédentaire, ils ont tous les attributs négatifs du nomade. Le manouche, c’est le voleur de poules ; on n’a pas envie qu’il s’installe sur le terrain communal. Les gens du cirque, c’est limite. Et eux, c’est pareil. Alors que ce sont nos enfants ! Disons les enfants de nos parents, nos frangins. Ils ne sont pourtant pas particulièrement impliqués dans des faits de délinquance.

A. : Est-ce que c’est vrai, ça, jusqu’au bout ? Est-ce que cette détestation est vraie ? On sait bien qu’il y a des mairies, de droite notamment, qui prennent des arrêtés qui leur rendent la vie impossible. Mais je me disais qu’il y a aussi – à mon sens – une espèce de tolérance qui n’existe pas à l’égard des manouches. Je trouve qu’ils sont un tout petit peu plus privilégiés, un tout petit peu plus tolérés, mais peut-être que je me trompe.

C. : Mais le fait qu’ils aient tous des chiens, ça fait peur. Ça n’aide pas.

A. : Mais j’ai l’impression que quand ils sont vraiment dans la merde, par rapport à un clochard, ils reçoivent davantage d’attentions, et que c’est peut-être lié à ce que disait Vincent : ça pourrait être mon fils, ou ce sont des blancs de chez nous… En l’occurrence, je pense à une scène qu’on avait vu en vacances, près du Canal du midi : des Allemands qui étaient allés aider deux punks à chiens qui lavaient leur fringues dans le canal, de l’eau bien vaseuse… Question pour Yoann : il y a une expérience de la fluctuance, au sens où tu l’abordes ?

Y. : le rapport n’est pas évident, en tout cas pas immédiat. Les punks à chiens s’installent d’eux-mêmes dans la fluctuance, ils sont plutôt actifs dans cette fluctuance. Rien à voir avec les gens avec qui j’ai vécu en Amazonie, qui n’ont pas choisis cette situation, qui doivent « négocier » avec elle. La fluctuance, là-bas, a des échos dans l’ontologie de chacun, dans un flou identitaire quant au « soi » de chacun et au « soi » en tant que communauté (Cabocla). Elle recoupe différentes échelles. Ici, je ne retrouve pas les mêmes caractères, mais en fait, ça mérite d’être creusé.

A. : Ce qui m’intéresserait, ce serait de savoir si, une fois les discours écartés, quelque chose se rapproche chez les punks à chiens de l’expérience de la fluctuance. Moi je serais tenté de défendre l’idée que les discours n’adhèrent pas parfaitement à la réalité, qu’ils font peut-être écran à la vérité de leur démarche. Au sens où ce serait surtout une expérience en train de se jouer, une éducation. Au sens où, peut-être, il s’agirait simplement de se mettre en position d’insécurité. Alors, les discours ne seraient pas si importants, et ça se rapprocherait de tes Indiens. Ils se « jettent » peut-être dans quelque chose qu’ils ne maîtrisent pas. Est-ce que dans cette prise de risque, il y a quelque chose qui se rapproche des Indiens ?

Y. : Mais ça n’a pas une dimension culturelle (comme chez les Indiens), ça ne se retrouve pas dans la langue par exemple. Mais il faut voir, peut-être qu’ils créent du langage, des codes propres, voire une grammaire.

Bêtes

Cynique au festival d’Aurillac 2008

PO. : Au final, on aura très peu parlé des chiens…

V. : et de la drogue.

PO. : Il y a peut être un lien entre les deux thèmes, une forme de dépendance qui est partagée. Posséder un chien, et plus encore trois Rothweiler comme la fille dont on parlais tout à l’heure, c’est un véritable investissement financier. Si l’on pense à la masse de viande que l’on doit se procurer chaque jour. Il est clair que pour le coup, cela crée des contraintes considérables. D’un autre coté, cela montre aussi à quel point le fait d’avoir un chien est important, et ne constitue pas un simple accessoire de mode, un choix pris à la légère.

V. : Ce qu’il serait intéressant de voir, c’est comment ils vivent avec leurs chiens : ils partagent leur camion ? Ils dorment ensemble ? Le chien leurs tient chaud quand il fait froid ? Ce n’est pas un animal domestique comme les autres – avec des règles de vie bien connues, un endroit où pisser, où dormir. Là, c’est un rapport différent.

PO. : Le fait de partager la même nourriture, parfois les mêmes maladies, et donc les mêmes médicaments… Toutes ces pratiques rompent violemment avec des structures fondamentales de la relation entre les hommes et les animaux en occident. L’interdiction de manger avec les animaux est déjà présente dans la Bible et se trouve constamment répétée dans l’histoire.

C. : Je vais faire une petite ligne de fuite, au sujet de ma cousine Rebecca, qui travaille comme infirmière dans un centre pour toxicomans en Suisse. Les toxicos ont très souvent des chiens, et ils viennent au centre avec leurs chiens. C’est d’ailleurs un bordel pas possible dans la salle d’attente, parce que les chiens se battent entre eux, etc. Et quand les toxicos ne vont vraiment pas bien, ma cousine est obligée de parler aux chiens. C’est-à-dire que, vu que le type est trop mal pour parler, elle passe par le chien pour s’adresser au maître. Et le type répond au chien… Le chien permet de recréer un lien, de recréer le contact qui s’est perdu avec la personne.

PO. : Son expérience est sans doute intéressante en ce quelle montre aussi le côté trash des punks à chiens qui ont mal viré, quinze ans après. Ils ont 35 ou 40 ans. Ils sont toxicomans depuis de longues années, et c’est vrai que le chien prend alors une importance fondamentale. Il sert de médiation avec l’infirmière, avec le monde en général, mais Rebecca disait aussi que c’est une façon de garder un rythme de l’existence : être obligé de le sortir pour le faire pisser, de lui trouver de la bouffe, de le brosser, de le soigner, etc. S’occuper de leur bête, ça leur permet de porter une attention au monde.

C. Quand Little va chercher le fils de son chien, c’est juste hallucinant ! Le « fils » de son chien : il dit alors un truc qui me rappelle l’expérience de ma cousine : « Je suis responsable de lui. Quand tu as un fils, tu es responsable de lui. Moi je suis responsable du fils de mon chien. » C’est troublant…